LABEL BIO EUROPÉEN; La feuille étoilée en question

Le Label « bio Europe »

Le marché Européen du bio se porte bien, et bénéficie d’une croissance constante depuis plusieurs années. La filière, très sollicitée, n’est elle pas victime de son succès ? D’une part, la forte demande de produits biologiques à mené droit à l’industrialisation de la filière, et par conséquent à la culture intensive qui complique le respect du cahier des charges. D’autre part, un cahier des charges trop souple, et des moyens, et fréquences de contrôle insuffisants, mènent à des dérives qui font du produit « BIO » un produit qui sera peut-être , éventuellement plus sain, mais qui ne sera pas forcément éthique, et écologique. D’autres labels tels que « Zéro résidus de pesticide » embrouille un peu plus le consommateur qui, admettons-le, ne sait plus trop quoi bouffer.

Autonomie Jardin à été mettre son nez dans les coulisses du bio Européen, et il faut reconnaître que le constat n’est pas très rassurant. Garanties trop faibles, impact environnemental trop élevé, et législation conciliante. État des lieux !

Les savoureux légumes présumés bio
Photo : wikipedia.org

1 – Bio c’est quoi au juste ?

Nous pensons communément au bio, et de façon légitime, comme à un produit sain, écologique, et non industriel. L’image du petit maraîcher qui cultive quelques ha de fruits et légumes en plein champs et sans intrants chimiques est plaisante, mais bien loin de la réalité de ce qu’est devenue la filière bio.

La culture biologique implique de ne pas utiliser de produits phytosanitaire d’origine chimique, de se passer d’engrais minéraux, de respecter la saisonnalité des produits, de favoriser la biodiversité notamment par le moyen de lutte biologique intégrée(utilisation des prédateurs naturels des espèces nuisibles), et à priori, de respecter l’environnement selon toute logique de la démarche bio. Le label A.B imposait jusqu’en 2007 un cahier des charges plus poussé, qui offrait de meilleures garanties, ce label est aujourd’hui aligné sur le label bio Européen, aux exigences moins contraignantes. Ce label de référence permet aux producteurs Européens d’exporter leur production dans les États membres de l’UE, sous label bio.

Jusque là tout va bien, on comprend ! Mais ce fameux cahier des charges du bio Européen ?

Il tolère quoi au juste ?

2 – Le cahier des charges du bio Européen, à la carte !

La réglementation Européenne, dont vous trouverez la totalité du texte (via ce lien), interdit évidemment les OGM, et d’autres objectifs visés par cette législation vont dans le sens d’une amélioration de la qualité du bio(Art.3 alinéas a,b, et c). Le problème c’est que les dispositions sont trop souples à ce jour pour permettre cette amélioration de la qualité. Ainsi, les engrais minéraux sont interdits…sauf si ils sont faiblement solubles(solubles quand même : Art.4 alinéa b -iii-), les pesticides d’origines chimiques sont évidemment interdits…sauf si on peut pas faire autrement(je simplifie un peu l’article 4, alinéa c-i-ii-iii-), les herbicides chimiques sont proscrits eux aussi, mais en l’absence d’alternatives, qui pourtant existent, le très controversé glyphosate bénéficie d’une indulgence jusqu’en 2021. Rappelons que ce produit est déjà interdit dans de nombreux pays, dont l’Algérie depuis 2018. Nous prenons du retard, pour des raisons économiques et financières, en dépit du bon sens écologique, et de la santé public.

Actuellement aucune close ne parle de saisonnalité, en dehors d’une ligne dans les pieux « objectifs », une close en revanche autorise l’utilisation de produit chimique, à condition que le produit utilisé n’entre pas directement en contact avec le fruit, ou légume commercialisé, une aberration pour moi(art.16 -paragraphe2 -alinéa c- ii).

Le texte prévoit bien une période de trois ans de culture sans intrants, ni pesticides chimiques, avant que les récoltes ne puissent être qualifiée de bio. Le hic, c’est qu’un sol pollué met une dizaine d’année pour se dépolluer de manière significative. Beaucoup d’agriculteurs produisent donc du bio sur des sols qui sont encore contaminés par des substances chimiques.

Il est à noter que les produits autorisés en agriculture biologique, sont laissés à l’appréciation respective de chaque État membre(Ch.5 art.22 sur les dispositions de flexibilité). Ainsi vous pouvez acheter en France un produit italien bio, cultivés avec des produits qui ne sont pas utilisables dans l’agriculture bio en France, mais autorisés en Italie.

Les semences utilisées doivent être certifiées bio, et doivent obligatoirement être répertorié dans le catalogue officiel des semences de variété F1(hybride), les principaux producteurs de ces semences bio, sont les « très écolos » Bayer-Monsanto, et Syngenta, éthiquement on peut mieux faire. Les semences dites paysannes, seront à priori autorisées à partir de 2021. Affaire à suivre !

Cerise sur le gâteau, les contrôles, attention ça fait peur, ils ont en principe lieu au minimum… une fois par an, et sur rendez-vous ,s’il vous plaît ! (Art.27 alinéa 3).Je dit en principe car les autorités compétentes n’ont absolument pas les moyens humains pour contrôler tous les producteurs une fois par an. De même un contrôle inopiné doit théoriquement avoir lieu une fois tous les deux ans, là encore on peut légitimement douter que ces contrôles soient suffisants.

3 – Biologique parfois, écologique rarement

Avec tout cet imbroglio réglementaire que l’on peine à faire correctement appliquer, il me paraît évident que lorsqu l’on achète un produit bio, nous avons une chance sur deux que le produit ne soit pas vraiment bio, au sens où on l’entend légitimement. Une chose est au moins certaine, c’est que même si le produit acheté est réellement bio, il ne sera certainement pas écolo pour autant. La réglementation actuelle recommande bien sûr aux exploitants bio de minimiser l’impact environnemental, mais aucune obligation dans ce sens n’est clairement établie. Du coup, c’est un peu n’importe quoi ; utilisation de plastics pour couvrir sols, et cultures, non respect de la saisonnalité des cultures qui implique de devoir chauffer, ou refroidir les serres, cultures inadaptés au climat local, culture intensive qui provoque l’asséchement des nappes phréatiques de certaines régions Européennes tel que l’Andalousie et autres régions d’Espagne, l’île de Chypre, mais également en France. Le transport de ces produits bio d’un bout à l’autre de l’Europe, parfois de la planète, ainsi que l’emballage souvent en plastique , ne rendent pas non plus la denrée biologique très écologique. Les machines à moteur thermique(essence) sont évidemment autorisées sans que personne ne s’en étonne vraiment, pourtant qui veut manger des légumes, et des salades qui ont été cultivés sous les pots d’échappement des machines agricoles ?

Le cas extrême du sud de l’Espagne, pour lequel je ferai un sujet dédié, est à juste titre montré du doigt en raison de la catastrophe écologique qu’il crée de part la production intensive, biologique, ou pas. Bio et conventionnel cultivent d’ailleurs les uns à coté des autres, sans que l’on se préoccupe vraiment de savoir si la proximité d’une exploitation conventionnelle nuit à la culture bio voisine. Le travail clandestin, moins fréquent en France, est la-bas malheureusement monnaie courante. Les migrants sont embauchés à la journée, et sont payés une vrai misère, et ce par des exploitants conventionnels, comme par les agriculteurs bio. Ces problème ne sont pas une spécialité Espagnole, elles ont lieu dans bien d’autres pays Européens, je reconnais cependant que certains pays sont plus vigilants que d’autres, mais ça ne change pas grand-chose au fond du problème.

4 – De meilleures garanties en 2021 ?

Pour être clair avec mes intentions, je n’essaie pas de décourager le consommateur des produits bio, au contraire j’estime qu’ils restent malgré tout le moindre mal. Je préfère payer un peu plus pour un produit dit bio, même sans garantie solide, que de payer un produit certes moins cher, mais qui présentera exactement les mêmes inconvénients écologiques que le bio, et duquel je suis assuré à 100 % qu’il a été aspergé la veille de produits chimiques.

Cependant, il est évident que les autorités doivent revoir leur copie, et le consommateur doit être plus clairement informé afin de pouvoir adapter son mode de consommation, en toute connaissance de cause.

Une amélioration des dispositions réglementaires relatives au bio Européen, est à l’étude, et devrait entrée en vigueur d’ici 2021.

Je ne suis pas certain que ces nouvelles dispositions soient très efficaces si, encore une fois, des moyens de contrôles importants ne sont pas établis par ailleurs(ce qui n’est visiblement pas trop à l’ordre du jour).

Voici les améliorations prévues pour 2021 ;

-un élargissement de la gamme de produits biologiques certifiés : de nouveaux produits seront désormais certifiables, comme la cire d’abeille, les huiles essentielles autres qu’alimentaires, la laine ou le sel ;

un système de contrôle plus ciblé : le principe d’un contrôle annuel minimum par opérateur est maintenu, de même que celui des contrôles inopinés qui s’y ajoutent. Toutefois, les contrôles de conformité des exploitations bio par les organismes certificateurs pourront être espacés de 24 mois, à partir du moment par exemple où 3 visites de suite n’auront détecté aucune faille dans la production ;

des règles d’importation plus fermes : les produits biologiques importés devront impérativement respecter la réglementation européenne ou provenir d’un pays tiers, ayant signé un accord commercial garantissant l’équivalence avec l’Union européenne, en matière de réglementation et de système de contrôle ;

un étiquetage clair et fiable : le consommateur est  informé, avec le logo européen, de l’origine des matières premières agricoles y compris le cas échéant régionale et de l’identité de l’organisme de contrôle ;

un meilleur accès aux semences hétérogènes ou « rustiques » pour les producteurs biologiques avec l’autorisation de commercialiser ce type de semences ;

un maintien du lien au sol : le lien à la terre est un concept très important en agriculture biologique. De ce fait, le règlement ne reconnaît pas l’hydroponie, ainsi que la production en bac, comme pratiques biologiques. Une exception a été négociée avec la Finlande, la Suède et le Danemark qui, pour des raisons climatiques et historiques, ont accepté la culture en bac. Elle sera maintenue sur une période maximale de 10 ans, pour les serres déjà existantes ;

la création d’une « certification de groupe » pour les petits producteurs : les agriculteurs pourront se regrouper pour demander en commun une certification en bio. Pour les petits exploitants, c’est une façon de mutualiser les frais administratifs liés à leur conversion.  

Pour rappel, ce nouveau règlement bio prendra effet à partir du 1er janvier 2021. Il doit encore être complété par des règles détaillées. (Source:agriculture.gouv.fr)

En attendant que cette nouvelle réglementation soit appliquée(zzzzz), il vaudrait mieux pour le consommateur Français de s’en tenir aux produits bio, produits localement, ce qui n’est évidemment pas toujours possible notamment en ville. Évitons autant que possible le soi-disant bio de la grande distribution.

Certains labels indépendants, mais reconnus, offrent de meilleures garanties que le label à feuille étoilée. Le label A.B offre quelques garanties supérieures à celle du label Européen, mais il dépend du ministère de l’agriculture(agence bio), et s’est tout de même bien aligné sur les directives Européennes, à quelques nuances près.

« Nature et progrès », est encore le label qui assure les meilleures garanties quant aux méthodes de production, et de distribution, ce label tient compte de la saisonnalité, de l’environnement, et des conditions sociales de travail sur les exploitations concernées. Son cahier des charges ne cesse d’évoluer pour mieux se concentrer sur les enjeux écologiques actuels. Favoriser l’agriculture paysanne et biologique demeure une de leurs priorités. Tous les aliments doivent être certifiés N&P par des membres de l’organisme et les productions ne doivent pas agresser les plantes ou les animaux. L’huile de palme est d’ailleurs interdite dans tous les produits N&P puisque même bio sa production ne respecte ni l’homme (conditions sociales défavorables), ni la biodiversité (déforestation). Tout comme Bio Cohérence, les fermes sont 100% bio et local.

La certification Bio Cohérence est plus stricte encore car le cahier des charges exige que les produits bio soient cultivés, produits et transformés sur le sol français. L’association œuvre pour que toutes les entreprises, fermes et autres structures agricoles bio soient françaises et reçoivent un revenu équitable. L’engagement humaniste ne s’arrête pas là, le bien-être animal est également pris en compte, et surveillé de très près.

La grande surface Biocoop proche de Rennes, où le bio devient un produit industriel comme un autre
Photo : Wikipedia.org

Pour conclure ce sujet épineux du bio pas trop écolo, la meilleure façon à l’heure actuelle de s’assurer qu’un produit est bio, sain, et écolo, c’est de le produire soi-même, option qui n’est possible qu’à condition de disposer d’un peu de terrain. Je rappelle à ce titre que les municipalités qui sont sollicitées par un collectif citoyen réclamant une parcelle à cultiver, sont dans l’obligation d’étudier la demande, et d’y accéder favorablement si elles disposent de terrains en friche. Une bonne option pour produire de belles récoltes qui seront partagées équitablement entre les membres du collectif.

Les petits magasins bio, les petits producteurs locaux, et les AMAP sont nettement moins suspects
Photo:Commons.wikimedia.org

Les AMAP(Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), et les marchés paysans locaux peuvent également être une option pour manger sainement, frais, et local.

D’une manière générale, c’est en favorisant les circuits courts, et en évitant les produits transformés que la garantie d’un impact écologique moindre sera la plus grande.

Ben. MASON

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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