Il arrive parfois que certaines zones du jardin, voire des parcelles entières, soient sujettes à une trop forte rétention d’eau. Les causes peuvent être variées, mais il s’agit souvent de cuvettes présentes sur le terrain. Ces cuvettes ne sont parfois pas perceptibles à l’œil nu, mais pour peu que votre terrain soit relativement argileux, vous observerez vite la formation de mares en cas de forte précipitation. Tel fut mon cas suite aux dernières pluies diluviennes qui ont touché le var où je réside. J’ai constaté une zone très localisé de ma parcelle, qui s’inonde, et noie les cultures. J’ai opté pour une solution simple, aux multiples avantages.

1 – Les sols détrempés, ou hydromorphes
Les sols sont complexes, et variés dans leur nature, structure, et granulométrie. On peux ainsi parfois observer plusieurs types de terre différents sur une parcelle de surface moyenne, de même qu’il existe de vastes étendues où le sol peut être complètement homogène.
Certaines parcelles, ou simplement une zone où l’autre d’un jardin peuvent être sujettes à l’hydromorphisme.
L’hydromorphisme, est la spécificité d’une terre qui montre des signes physiques réguliers, ou quasi permanents de saturation en eau, principalement pendant l’automne, et l’hiver.
L’hydromorphie occasionne l’asphyxie de la microfaune, de la microflore, et des racines. La saturation en eau a également des conséquences physico-chimiques. Dans un sol argileux, l’hydromorphie se repère facilement.
Une zone hydromorphe est généralement située en un point bas topographique, à proximité de cours d’eau ou de fossés. Les plantes caractéristiques des zones hydromorphes se composent de végétaux de berge tels que prêles, roseaux, joncs, et autres herbacées des marais . Il s’agit souvent de cuvettes imperceptibles de vue sans l’aide d’un niveau. Les sols hydromorphes sont généralement à dominante argileuse. Ils sont de structure bien souvent lourde et compacte ce qui peut entraîner l’asphyxie racinaire d’une culture, et la mort ou le ralentissement de la vie microbienne. En outre, cette situation provoque la formation de substances toxiques par réaction d’oxydo-réduction, tel que les ions Al3+. Cet excès d’ions Al3+ peut occasionner un stress à la plante, car il génère un déficit en manganèse. Ces sols saturés d’eau se caractérisent également par le dégagement de fortes odeurs marécageuses, dues à la formation de méthane.

Photo : Aravis-infos.fr
L’hydromorphisme modifie les spécificités physiques du sol et complique son réchauffement printanier. Un sol hydromorphe présente à moyenne profondeur, une couche moins perméable qui limite l’écoulement vertical de l’eau vers les nappes. L’accumulation des argiles lessivées depuis la surface du sol forme alors une barrière imperméable. L’eau s’accumule dans la partie supérieure et lorsque cette zone est saturée, elle va ruisseler en surface. Cet excès d’eau génère une nappe perchée temporaire qui s’installe entre la couche imperméable et la couche superficielle du sol. L’asphyxie racinaire provoquée empêche par ailleurs les nodosités et donc la symbiose plante-bactérie-rhizobium de prospérer. Cette symbiose est très importante en permaculture dans l’apport et l’enrichissement naturel d’un sol en azote. En effet, la nitrification s’en trouve ralentie ou totalement bloquée car les bactéries qui en sont responsables n’ont alors plus d’oxygène.
Les 6 solutions pour faire face à un sol hydromorphe sont :
1 – le drainage ;

Illustration : Omafra.gov.on.ca
2 – la création d’un bassin ou d’une mare;
3 – la percolation ;

Photo : Inspectech-estrie.com
4 – l’évapotranspiration ;

Schéma : Wikipedia.org
5 – la plantation d’arbres hydrophiles ;
6 – et la surélévation, solution que j’ai retenue.
Dans mon cas, essentiellement 2 planches de culture de 2 m² chacune, étaient situés dans une cuvette, au sol moins drainé, sous lequel, circule une veine d’eau. Lors des dernières grosses pluies de fin novembre 2019 sur la région PACA, ces 2 zones de culture ont été totalement inondées, et le sol peine à ressuyer. Une vraie mare !

Photo : Autonomie Jardin
2 – Gestion du problème
Le drainage, ou la percolation, coûteuses, compliquées à mettre en œuvre, et agressives pour le sol, étaient pour moi inenvisageables. Le principe de planter des arbres « buveurs » afin d’augmenter l’évapotranspiration est plaisant, mais implique une contrainte de place que je n’ai pas sur mon humble parcelle de 150 m². Je loue ce bout de terrain à Hyères depuis environ 10 mois.
J’ai sérieusement envisagé ‘implanter une mare à cet endroit, mais là encore, perte d’espace à cultiver, et investissement en pompes, plantes aquatiques et poissons m’ont dissuadé de l’opération bassin. L’investissement financier et humain était trop important au regard d’un terrain que je loue.
J’ai donc naturellement pris le parti de surélever ces 2 planches de culture, ce qui ne m’a rien coûté, hormis une dizaine d’heures de travail réparties sur 5 jours. La réalisation de buttes est contraignante car elle demande du temps, et des efforts. C’est pour cette raison que j’ai décidé de joindre les 2 planches de culture, en supprimant le passage qui les séparait, et dans lequel on pataugeait. D’une pierre deux coups donc, et je gagnerais ainsi au passage 1 m² de culture, ce qui s’ajoutera aux avantages suivants :
- Gain de place (sur une butte de 5 m² au sol, on peu obtenir jusqu’à environ 10 m² de surface cultivable).
- Facilite l’entretien, et les récoltes (cultures à hauteur d’homme).
- Structure le jardin en apportant volume et relief sur ce terrain globalement plat.
- Modification et amélioration progressive de la structure du sol, puisque j’ai opté pour une culture dite « en lasagne » qui consiste à superposer alternativement matière carbonée, et matière azotée, il constitue en d’autres terme un tas de compost.
- Fertilité et drainage seront assurés pour mes prochaines cultures que j’entamerais dans 4 mois. Le principe de la culture en lasagne est très proche de la méthode « Hügelkultur », qui est également un type de butte autofertile. La différence réside principalement dans la conception de la base de la butte. En effet, pour une culture en lasagne, il ne sera pas nécessaire de creuser une fosse pour y enterrer des souches et bûches en décomposition (Ce qui sur un sol imbibé provoquerait une putréfaction malsaine du bois, à cause de l’absence d’oxygène). En outre, on peut réaliser une culture en lasagne sans nécessairement ériger une butte à proprement parler.
- Optimisation de l’évaporation, la butte agissant comme une éponge, contribuera à désengorger un peu le sol. Les plantes qui y seront cultivés aideront également, par principe d’évapotranspiration, à éliminer le surplus d’eau éventuellement accumulé en cas de précipitation.
3 – Recette maison pour de belles lasagnes
Il n’existe pas de recette unique et véritable en matière de culture en lasagne. La seule règle étant de toujours veiller à respecter un bon équilibre carbone/azote, comme pour un bon compost. Comme pour le paillage, on adaptera les matières composants la lasagne en fonction de notre type de sol, et de la fonction première de la culture.
Dans mon cas, j’ai ajouté un peu de matériaux drainant (sable et graviers) en petite quantité, pour que la butte ne s’imbibe pas elle aussi totalement. Pour rester dans une logique permaculturelle, je n’ai utilisé qu’exclusivement les matières présente sur le terrain sur lequel est situé ma parcelle (foin, tonte de prairie, compost, terre, déchets issus de taille, feuilles mortes, humus, sable, gravier, et 2 vieilles palettes). J’ai aussi utilisé les matériaux dont je disposais déjà (vieux terreau, pieux en bois issus de piquets que j’ai segmenté, vieux tuteurs en métal également segmentés par mes soins, afin d’obtenir des pieux supplémentaires.
J’ai commencé par réaliser un simple coffrage intégrant mes 2 zones de culture avec le bois des palettes. J’ai procédé au « feeling » sans mètre, ni niveau, le résultat n’est donc évidemment pas bien droit, mais c’est sans incidences sur le fonctionnement du système. Je reste dans une logique de simplicité, et de gratuité. Une scie à métaux, et une scie à bois m’ont en revanche bien aidés pour débiter la palette, ajuster les planchettes, et confectionner les pieux qui maintiennent le coffrage. Le coffrage est posé directement sur le sol, haut d’une douzaine de centimètres, il servira simplement de support à ma butte.
Photos : Autonomie Jardin
À l’intérieur du coffrage, j’ai laissé le sol que j’avais déjà décompacté au printemps, et cultivé difficilement cet été, tel quel. J’ai coupé les 2 pauvres choux, et la blette qui y subsistait, déplacé 2 jeunes laitues, et j’ai conservé ce qu’il restait du paillage initial, déjà quasiment intégré au sol. Je ne me suis pas plus préoccupé du passage enherbé qui séparait les 2 planches de culture. À quoi bon ? Toute l’herbe périra de sa belle mort, enfouie sous la butte.
Les petites cases constitués par les pieds des palettes accueilleront fraisiers, petites aromatiques (persil et basilic), et vivaces tapissantes(lamier jaune, et cératostigmas), qui végétaliserons un peu ce coffrage artisanal pas très esthétique.
La première couche se compose de vieux morceaux de planchettes vermoulus, et de brindilles, et segments de petite branches sèches. Cette couche est volontairement fine et superficielle car je veux qu’elle se décompose rapidement, et éviter qu’elle ne se putréfie.
La seconde couche est composée de bois raméal fragmenté, issu de la taille de la haie d’éléagnus et de photinias. Elle est plus épaisse que la seconde, environ 10 cm, mais je prévois que tout ça va beaucoup se tasser.
La 3ème couche, est constituée généreusement de feuilles mortes prélevées sous la même haie. Avec une bonne quinzaine de centimètres d’épaisseur, celle-ci dépasse un peu le coffrage, mais le poids qui s’ajoutera par dessus tassera beaucoup ce mulch carboné.
Photos : Autonomie Jardin
La 4ème couche, azotée, est composée principalement de tonte de la prairie qui couvre le terrain, et de déchets de désherbage des allées. Elles est épaisse de quelques centimètres.
La 5ème couche se compose de foin sec, sur quelques centimètres afin de contrebalancer la couche azotée du dessous.
La 6ème couche est également superficielle. C’est un mélange de terreau(40 litres), et de sable de rivière (5litres). J’ai ensuite tassé un peu à l’aide d’un râteau afin d’incorporer le mélange dans la bute. On ne doit presque plus voir la terre en surface.
Photos : Autonomie Jardin
La 7ème couche est similaire en tous points à la 4ème. Quelques centimètres de tonte fraîche pour ajouter du volume, et de l’azote.
La 8ème couche est un compost de foins et d’adventices biens décomposés, là encore, quelques centimètres suffiront.
Photos : Autonomie Jardin
La 9ème couche se compose d’un mélange de terreau(60L), de graviers(5L), de terre de jardin et humus(40L).
Photos : Autonomie Jardin
La 10ème couche est identique à la 8ème(compost des foins).

La 11ème couche, est assez semblable à la 9ème strate, mais sans les graviers. Les proportions du mélange diffèrent également, terreau(80L), et terre de jardin (60L).
Photos : Autonomie Jardin
Enfin, la 12ème et dernière strate est un paillage épais de tonte fraîche, qui séchera pendant l’hiver, et constituera un bon paillage pour isoler la butte

En règle générale, on arrose après chaque couche ajoutée, je me suis abstenu de cette formalité pour ne pas sur-imbiber d’avantage le sol. L’hiver fera son œuvre, et hydratera la butte. Je me contente d’un arrosage superficiel(11L) une fois l’ouvrage terminé. J’hydraterai ensuite à l’avenant, si la pluie vient à manquer.
Ma butte en lasagne est fin prête pour recevoir les cultures dès le printemps.
4 – Durée de vie
À condition d’être entretenue avec l’apport régulier d’un compostage de surface équilibré, et un rajout de terreau de compostage, et de paillage une à deux fois par an, la butte peut durer au moins 3 ans. J’ai volontairement monté une butte d’un peu plus de 60 cm de hauteur, car celle-ci va se compacter à court terme, ce qui ramènera sa hauteur à une trentaine de centimètres, dimensions souhaitées, ni trop haut, ni trop bas, juste ce qu’il faut pour tenir les racines hors de l’eau, sans avoir trop de prise au vent. je réhausserai au printemps, avant la mise en culture, avec du compost, et du paillage.
Avec le temps, les éléments qui composent la butte se décomposeront, et s’intégreront au sol, ce qui devrait à terme lui conférer une structure bien plus perméable.
Je verrai dans 3 ans si il est nécessaire de remonter la butte, ou si la nature du sol est suffisamment drainante pour cultiver directement en pleine terre à cet endroit.
Affaire à suivre !
Ben. MASON
Bel article comme d’habitude et une belle ouverture d’esprit Et enfin, enfin une butte avec des produits naturels sans cartons ! Je n’en peux plus voir les gens coucher des cartons dans tous les sens. Les solutions 1,2,4 me plaisent bien. La butte me semble donner beaucoup de travail pour finalement peu de surface à cultiver avec en prévision une reconstitution régulière de celle ci . Ce n’est que mon humble avis. Après il y a aussi la solution de cultiver du riz et de mettre des canards 🙂
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Merci pour votre lecture, et votre commentaire, effectivement l’option butte demande un peu d’huile de coude, et un entretien régulier. Il faut donc toujours mesurer les bénéfices éventuels, et les aspects contraignants avant de se lancer dans leur réalisation. Comme vous, je ne suis pas trop fan des cartons sur le sol, car on ne connaît jamais trop leur composition exacte. Le pire, ce sont ceux qui laissent les scotchs dessus, et se foutent de savoir que les cartons soient imbibés d’encres chimiques, et autres substances, notamment antifongiques, destiné à empêcher la putréfaction des cartons. Pas terrible pour les organismes fongiques du sol donc. Il existe bien des matériaux plus naturels, et des solutions plus écolos pour recycler le carton.
Bien vu l’option rizière, celle-ci est effectivement aussi envisageable, mais il faut pas mal de surface.
Bien cordialement
Benjamin
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