La tavelure est une maladie fongique fréquente chez les pommiers, et poiriers. Elle peut en production avoir des conséquences économiques, d’une part parce que les normes de commercialisation en vigueur au niveau européen écartent les fruits tavelés, et d’autre part parce qu’un échec de l’action préventive peut entraîner une baisse de rendement. Cette maladie affecte les feuilles et les fruits en saison. La tavelure est couramment gérée en protection raisonnée depuis de nombreuses années. Les contaminations tardives en fin de saison, peu avant la récolte, sont quant à elles à l’origine de la tavelure de conservation.

Tavelure sur pommier
Photo : Girephytia.inra.fr

1 – Description et Principaux symptômes

La tavelure(Venturia inaequalis) est un champignon parasite de certains fruitiers, principalement pommiers, et poiriers, mais aussi néfliers, pruniers, et cognassiers. Apparaissant initialement sur les feuilles, les jeunes taches sont translucides puis prennent une couleur  brune avec un aspect velouté. Elles sont en général situées sur la face supérieure et s’étendent souvent le long des nervures. Les premières taches apparaissent dès avril sur feuilles de rosette et au mois de mai sur les feuilles des jeunes pousses. La déformation du limbe est alors fréquente.

En été, les symptômes peuvent s’aggraver, des nécroses sèches et des chutes de feuilles sont possibles en cas d’infection sévère. Des taches peuvent apparaître sur les fleurs, les sépales, l’ovaire et le pédoncule, entraînant le dessèchement de la fleur. Les fruits atteints présenteront des croûtes brunes-noires, liégeuses au touché, et parfois crevassées. Elles sont généralement visibles au mois de juin, parfois plus tôt, si elles sont issues de contaminations très précoces. Les rameaux présentent de petites pustules arrondies autour desquelles l’écorce est soulevée et se détache en écailles, dissimulant des coussinets bruns.

En automne, les symptômes sur les faces inférieures des feuilles sont plus fréquents. En conservation, la tavelure tardive se manifeste par de petites croûtes noires, superficielles, et les symptômes se déclenchent généralement en février-mars.

Confusion possible

Aucune confusion en règle générale, cependant, sur les fruits, des symptômes atypiques de tavelure peuvent être causés par une variante de tavelure: Venturia asperata

2 – Cycle de vie de la tavelure

  • Conservation et infection primaire

-Biologie
Le champignon se conserve en hiver, en dormance dans les feuilles mortes ou dans le bois des arbres infectés.
Au printemps, les souches sont mûres et les spores sont alors disséminées dans des projections de pluies sur les parties vertes de l’arbre. Les premiers coussinets conidifères (taches vert olive) apparaissent 20 jours plus tard constituant les premiers foyers disponibles pour de nouvelles contaminations.

Les premiers pseudothèces matures apparaissent au début du printemps à une période correspondant au débourrage des fruitiers les plus précoces. Commence alors la phase dite de contamination primaire, due aux ascospores, qui forment l’inoculum initial. La maturation des pseudothèces se fait progressivement selon les hausses de température et dure jusque 2 à 4 mois après le débourrage, jusqu’à ce qu’ils soient vides. Les projections de spores ont lieu lors des journées pluvieuses (la quasi totalité des spores sont projetées le jour) et sont ensuite dispersées par le vent. Pour que la contamination (germination et pénétration des spores) ait lieu, le feuillage doit rester humide pendant une durée variant selon la température ambiante (optimale entre 15 et 22°C).

En été, les symptômes peuvent s’aggraver, des nécroses sèches et des chutes de feuilles sont possibles
Photo : Ephytia.inra.fr
  •  Infection secondaire

Au verger, les 1ers symptômes visibles surviennent au bout d’un délai variable selon les conditions de température et d’hygrométrie, au moins 10 jours après la contamination. Des taches apparaissent alors, elles contiennent les spores asexuées appelées conidies, sources de l’inoculum secondaire, et la phase secondaire du cycle s’enclenche. Les conidies sont disséminées par la pluie et le vent. Leur germination nécessite également une période d’humidité variant selon la température : sur feuilles l’infection suit une évolution proche de celles définies pour l’infection initiale. Pour les  fruits, on prendra en compte la variation de sensibilité au cours de la maturation (plus le fruit est jeune plus il est sensible).

Les jeunes feuilles sont plus sensibles, des nécroses sèches de couleur noire peuvent apparaître
Photo : Wikipedia.org

Durant la chute des feuilles en automne, la phase de reproduction sexuée se met en place et le cycle peut recommencer. La virulence de maladie à l’automne est un facteur déterminant sur le niveau d’inoculum au printemps suivant. 

  • Tavelure de conservation

Lorsque l’infection des fruits a lieu peu de temps avant la récolte (moins de 3 semaines), le champignon peut continuer d’évoluer en chambre froide et des taches peuvent apparaître tardivement au cours du stockage, en général à partir de janvier-février. C’est ce qu’on appelle une tavelure de conservation.

Tavelure dite de conservation
Photo : Ephytia.inra.fr

3 – Conditions et facteurs favorisants

– Climat : les printemps doux et humides favoriseront le développement de la tavelure. Les périodes sèches pendant la phase de maturation des ascospores favorisent l’accumulation d’ascospores matures, et entraîneront des projections d’ascospores lors des pluies suivantes. Les étés pluvieux sont favorables pour leur part, au développement des infections dites secondaires.

-Épidémiologie
Les ascospores, et les spores ont besoin d’eau pour germer.
Les pluies permettent la dissémination de ces deux types de spores.
Une pluie n’est contaminatrice que si elle est associée à une température favorable comprise entre 7 et 25 C.

– Sensibilité variétale : Elle est déterminante sur le niveau de maladie.

Pour les pommes : Gala, Fuji, Braeburn, Pink Lady, Red Delicious, et Tentation  sont classées comme très sensibles;

Golden Delicious est sensible, alors que les Reinettes, Akane, Belle de Boskoop, Corail, Pinova, Melrose, et Honeycrunch sont peu sensibles.

Certaines variétés sont totalement résistantes à la tavelure: Ariane, Topaz, Goldrush, Coop38, Choupette, Dalinette, Juliet, Coop43, Story, Inored, Opal, Crimson Crisp, et Coop 39. Toutefois des souches de tavelure capables de contourner cette résistance se sont développées dans certaines régions. Certaines variétés comme Ariane sont très sensibles une fois contournées, d’autres conserveront une résistance relativement bonne.

– Croissance végétative: Les jeunes feuilles sont les plus sensibles à la tavelure; les pratiques culturales favorisant la croissance vont également favoriser le développement de la maladie. On évitera donc les apports trop azotés. 

4 – Action préventives, et traitements curatifs

La tavelure, bien qu’inesthétique, et pouvant entraîner une baisse de production, n’empêche pas la consommation du fruit si celui ci n’est pas encore trop atteint, il suffit de l’éplucher.

Pour cette raison, on privilégiera la lutte raisonnée, voire l’absence totale de traitements. En préventif, assurez vous que la couronne de l’arbre ne soit pas trop dense, et touffue, ce qui crée une ambiance humide au niveau du feuillage, propice à la tavelure. On fera une taille d’éclaircissement en fin d’hiver, avant la montée en sève. On supprimera les vieux bois, morts ou abîmés, et on supprimera autant que possible les rameaux poussant vers l’intérieur de la couronne de l’arbre, ainsi que les rameaux poussant vers le bas.

La taille d’éclaircissement sur pommier, poirier, ou prunier
Illustration:Rustica.fr

On évitera de façon générale d’implanter des fruitiers dans une zone trop abritée du vent, l’air doit pouvoir circuler dans les branches. Les arbres ainsi naturellement bien ventilés, seront moins exposés aux différents types de champignons parasites.

Les arbres palissés, souvent mieux ventilés, et moins denses en feuillage sont en outre moins sujets aux attaques fongiques. Le palissage des pommiers, et poiriers est donc une excellente solution préventive.

Le palissage réduira les risques de contamination par les champignons
Photo : Jacheteathouan.fr

Il est souvent préconisé de se débarrasser des feuilles mortes en fin de saison, pour éviter la résurgence du champignon au printemps. À moins que votre fruitier ne présente une forte contamination, je pense personnellement qu’il est vain de se débarrasser des feuilles. Explications :

  1. Les 2 types de spores se disséminent principalement par projections via les gouttes de pluie, si les branches sont déjà a plus de 1mètre du sol, les projections depuis le sol ne devraient en principe pas atteindre la couronne.
  2. Une grande partie des champignons tombés au sol sera décomposée par certains organismes présent dans la litière, laisser le champignon dans les feuilles mortes au sol, ne posera donc pas tant de problèmes, cela favorisera même la présence des organismes qui décomposent ce champignon.
  3. On se contentera donc de bien nettoyer la couronne par une taille nette, effectuée avec des outils désinfectés, que l’on stérilisera à nouveau après usage. Taillez toujours par temps sec, voire venteux. Assurez vous de ne pas laisser de feuilles mortes sur les branches. Appliquez un mastic cicatrisant, ou de la cire de bougie sur les plus grosses plaies.
  4. En cas de contamination établie, on traitera en préventif pour la saison suivante, quelques jours après la taille, et par temps sec. (traitement d’hiver à la bouillie bordelaise).
  5. Enfin, vous ne pourrez jamais concrètement débarrasser la totalité des déchets organiques de l’arbre contaminé, il restera donc toujours des champignons en dormance, et ce malgré tous vos soins. La présence de ces organismes fongiques étant très répandue dans la nature.

Évidemment, il est normalement conseillé, de façon conventionnelle, de se débarrasser de toute chute de taille, bois mort, et feuilles mortes, en les brûlants. Les agriculteurs modérés ne passent de l’anti-fongique uniquement suite à une saison où la tavelure , ou autres parasites fongiques ont été présents.

Enfin, n’oubliez pas que l’utilisation d’un anti-fongique, même bio, et naturel, n’est pas recommandée pour les champignons du sol, indispensables à la santé des plantes, qui seront aussi détruis au contact de ces produits . Avec raison, et parcimonie donc !

Ben. MASON

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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3 commentaires

  1. Bonjour Benjamin, J’avais un jeune poirier qui je pense est mort de ça. Je ne l’avais pas traité, les feuilles ont commencé par se tacher comme sur des photos puis se dessécher le printemps d’après il n’est pas repartit.Mort…Comme il était jeune, peut être un Pb de photosynthèse ?

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Thierry,
      Problème de photosynthèse effectivement très probable pour ton jeune poirier, mais il se peut aussi qu’un autre organisme, profitant de l’affaiblissement de la plante, lui ait mis le coup de grâce. Cela me rappelle que j’ai omis de préciser qu’il faut être particulièrement vigilant avec les jeunes arbres, ainsi que les sujets âgés, dont les défenses immunitaires sont réduites.
      Bien à toi
      Benjamin

      Aimé par 1 personne

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