Beau succÚs pour une initiative togolaise de préservation de la biodiversité

Dans un pays durement touchĂ© par la dĂ©gradation des sols, et par la dĂ©sertification , une initiative privĂ©e visant Ă  prĂ©server sur plus de 200 hectares la biodiversitĂ© locale commence Ă  porter ses fruits. Une initiative Ă©cologique qui fera probablement, je l’espĂšre, des Ă©mules Ă  travers le monde dans un contexte environnemental dĂ©plorable. L’action de « ForĂȘt Yaya » m’a touchĂ© non seulement par les efforts consentis, mais Ă©galement pour son exemplaritĂ©. Cette action peut sembler peu de choses par rapport aux milliers d’hectares de zones naturelles qui disparaissent chaque annĂ©e de la surface de la terre. Cependant cet exemple dĂ©montre qu’avec de la volontĂ©, et des convictions Ă©cologiques fortes, des changements restent possibles, mĂȘme dans des territoires oĂč la nature est trĂšs impactĂ©e.

La forĂȘt Yaya au Togo est un exemple en terme de prĂ©servation de la biodiversitĂ©
Photo : Togofirst.com

1 – La forĂȘt Yaya, un projet en faveur de la biodiversitĂ©

La biodiversitĂ© est de plus en plus Ă©voquĂ©e dans les milieux Ă©cologistes, il s’agit de la diversitĂ© des espĂšces vivantes endĂ©miques Ă  un milieu donnĂ©. Sa prĂ©servation est une des clĂ©s principales permettant Ă  un Ă©cosystĂšme de fonctionner correctement, et d’ĂȘtre rĂ©silient face aux alĂ©as climatiques qui tendent Ă  se dĂ©grader d’annĂ©e en annĂ©e.

Dans le village de AmapkapĂ© au Togo, un homme, Lindo – Banla Yaya, prend la chose trĂšs Ă  cƓur, et est Ă  l’initiative d’un projet privĂ© consĂ©quent visant Ă  protĂ©ger et favoriser la biodiversitĂ© de la forĂȘt locale. Ce projet rĂ©pond aux grandes lignes de la charte du traitĂ© de Rio(1992), concernant notamment le changement climatique, la dĂ©sertification, et bien sĂ»r la prĂ©servation de la biodiversitĂ©.

Ce coin de forĂȘt, acquis dans les annĂ©es 80 par l’initiateur du projet, est d’une grande richesse biologique avec de nombreuses espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales qui y sont endĂ©miques, les plantes sont ici une ressource de nourriture, de matiĂšres premiĂšres et sont Ă©galement utilisĂ©es dans la mĂ©decine traditionnelle locale. Quatre bassins piscicoles y sont Ă©galement prĂ©sents ainsi que des barrages d’irrigation destinĂ©s Ă  favoriser le maraĂźchage dans ce vaste espace forestier. Une forĂȘt comestible gĂ©ante en somme.

Monsieur Lindo – Banla Yaya, un homme engagĂ© pour la prĂ©servation de son pays, et pour la planĂšte
Photo : Afriquenvironnementplus.info

Monsieur Lindo – Banla Yaya, agit avant tout par passion, et par amour de l’environnement. Cet homme explique qu’il agit surtout pour Ă©viter la coupe anarchique des arbres dans cette partie de la forĂȘt, en la rendant indispensable aux divers besoins de la population locale. Sur 208 hectares, il dĂ©clare notamment avoir mis en place une cinquantaine de ruches, des culture de poivriers, de fruit de la passion, mais aussi un peu d’élevage. « Ce projet nous a permis, grĂące au microclimat du coin, de cultiver le cacao, les avocatiers, parmi beaucoup d’autre espĂšces d’arbres fruitier » prĂ©cise t’il.

Des essais sont aussi en cours sur des cultures d’oliviers, et de grenadiers, qui semblent rĂ©ussir Ă  s’acclimater ici.

2 – Des retombĂ©es socio-Ă©conomiques concluantes

Pour l’initiateur de ce formidable projet, les avantages Ă  prĂ©server la forĂȘt sont bien plus positifs que de se livrer Ă  sa destruction. En plus de rĂ©pondre aux besoins de la population du village, les recettes dĂ©gagĂ©es par cette manne providentielle produite par la forĂȘt, permettent aujourd’hui de payer les salaires des 20 employĂ©s permanents de cet Ă©co-lieu.

L’initiative donne dĂ©jĂ  des idĂ©es aux habitants de AmapkapĂ©, qui se mettent Ă  leur tour Ă  planter des arbres, et Ă  se montrer sĂ©vĂšre avec les feux de brousses destinĂ©s Ă  dĂ©gager des zones boisĂ©s en vue de monocultures. De nombreux par-feux sont ainsi Ă©rigĂ©s afin de prĂ©server cet Ă©cosystĂšme naturel et vivrier.

Les feux de brousses intentionnels sont monnaie courante au Togo, Monsieur Yaya est trÚs actif contre ces méthodes
Photo : Afrique-sur7.fr

Beaucoup de jeunes ouvriers qui viennent ponctuellement prĂȘter main forte aux exploitations de la forĂȘt Yaya, repartent Ă©galement motivĂ©s Ă  se lancer dans des projets similaires. L’exemple donnĂ© par cet homme aux jeunes gĂ©nĂ©rations est un bel espoir pour la pĂ©rennitĂ© de ce type d’agriculture agroĂ©cologique basĂ© sur la prĂ©servation des grands arbres, et de la faune du pays. Ses encouragements envers la jeunesse ne s’arrĂȘtent pas lĂ . Il a Ă©galement sillonnĂ© le pays dans une caravane pour diffuser son message, parler de sa forĂȘt, et ainsi faire connaĂźtre cette façon nouvelle d’apprĂ©hender la production agricole, dans le respect et la valorisation de la nature.

« Je suis ouvert, mes portes sont grandes ouvertes » dit il encore Ă  l’attention de la jeunesse qui souhaiterait se former auprĂšs de lui et ainsi marcher dans ses pas. « Ma petite bibliothĂšque, sincĂšrement, je ne voudrais pas repartir avec. Je voudrais la laisser Ă  tout le monde, Ă  tous les jeunes surtout, ma petite bibliothĂšque » assure le vieil homme avec bienveillance.

Sur ces 208 hectares prĂ©servĂ©s, pas moins de 4 Ă©tangs piscicoles, des milliers d’arbres et une cinquantaine de ruches ont notamment Ă©tĂ© implantĂ©s avec succĂšs
Photo : Apdra.org

Les nombreux visiteurs et journalistes venus constater la productivitĂ© impressionnante de la forĂȘt Yaya, ont Ă©galement montrĂ© leur intĂ©rĂȘt et leur engouement pour ce type d’initiative. « Ce que j’ai dĂ©couvert, ce que j’ai visitĂ©, me dit qu’il y a encore des gens qui croient au dĂ©veloppement durable, et ça me rappelle un peu l’initiative de dĂ©veloppement communautaire qu’avait prise une communautĂ© d’une autre prĂ©fecture forestiĂšre du Togo. Â» explique Emile Kenkou, chargĂ© de communication en visite sur les lieux. « Il y a toute une diversitĂ© de prĂ©servation de la nature. Je crois que, comme nous avons l’habitude de le dire ; aujourd’hui, il faut prendre conscience que si nous ne prĂ©servons pas la nature, nous risquons de disparaĂźtre avec elle. C’est pour ça qu’en tant que chargĂ© de communication, j’encourage cette initiative d’amener les journalistes sur le terrain, puisqu’ils sont le relais de la communication vers les populations. Afin de faire en sorte que ce genre d’initiatives soient connues, et rĂ©pliquĂ©s un peu partout, parce que Ă  travers la sensibilisation, les populations pourront adopter de nouveaux comportements. Ne plus couper des arbres, prĂ©server les arbres pour protĂ©ger notre planĂšte. Â» conclut il avec conviction.

3 – Le Togo, bon Ă©lĂšve de l’écologie en Afrique, mais…

Signataire de la convention de Rio en 1992, le Togo est un pays qui fait de gros efforts afin de prĂ©server ses Ă©cosystĂšmes, dĂ©velopper l’agriculture durable, et lutter contre la dĂ©sertification du continent africain.

Cependant, la situation est aujourd’hui loin d’ĂȘtre au beau fixe pour l’environnement togolais, aux prises avec une agriculture pas toujours trĂšs respectueuses ni de la nature, ni des traitĂ©s signĂ©s par les autoritĂ©s du pays. La problĂ©matique en matiĂšre de protection de l’environnement est aussi liĂ©e Ă  la mĂ©connaissance par les gens du pays de la biodiversitĂ© locale. Les travaux actuels se concentrent donc sur l’inventaire de cette biodiversitĂ© plus que sur sa prĂ©servation.

Selon le docteur Gabriel Segniagbeto, Ă©tudiant et chercheur universitaire spĂ©cialisĂ© dans la biodiversitĂ©, le dernier rapport national sur la diversitĂ© biologique togolaise, publiĂ© en 2014, fait Ă©tat de 4500 espĂšces vĂ©gĂ©tales, et autant d’espĂšces animales rĂ©pertoriĂ©es, ce qui n’en reprĂ©sente qu’un petit pourcentage. Le doctorant pointe aussi le fait qu’en plus de la mĂ©connaissance complĂšte de la diversitĂ© du territoire togolais, les Ă©cosystĂšmes disparaissent avant mĂȘme que l’on aie pu rĂ©pertorier les espĂšces qui y Ă©taient prĂ©sentes. En cause, principalement la dĂ©forestation, et la destruction des habitats naturels de nombreuses espĂšces par l’activitĂ© humaine.

La dĂ©forestation au Togo comme dans d’autres rĂ©gions du monde est un phĂ©nomĂšne alarmant qui dĂ©truit les habitats naturels, et contribue Ă  la dĂ©sertification de l’Afrique
Photo : Nimbuseco.com

QuestionnĂ© sur les efforts mis en Ɠuvre concrĂštement pour freiner, voire stopper cette destruction exponentielle des espaces naturels togolais, Docteur Segniagbeto se veut rassurant sans parvenir Ă  vraiment convaincre.

« Oui, il y a des efforts de faits ! Si nous considĂ©rons que le Togo a ratifiĂ© la convention sur la prĂ©servation de la biodiversitĂ©. Le Togo Ă  mis en place des outils juridiques, et politiques. Si il y a des institutions qui sont mises en place pour la conservation de la biodiversitĂ©, oui on peut considĂ©rer qu’il y a des efforts. » assure t’il avant de rappeler la rĂ©alitĂ© du terrain.

« Mais dans la rĂ©alitĂ©, du terrain que se passe t’il concrĂštement ? , Si tous ces mĂ©canismes et outils sont mis en place, normalement, sur le terrain on doit avoir une amĂ©lioration de la conservation de la biodiversitĂ©. Mais ce n’est pas le cas. Puisque nous comptons d’abord sur le classement des zones naturelles comme les espaces naturels protĂ©gĂ©s, les parc nationaux, les rĂ©serves de chasse, ou les forĂȘts classĂ©s, ou sacrĂ©s qui sont des poches de prĂ©servation de la biodiversitĂ©. Mais tous ces dispositifs, qui sont des infrastructures naturelles, sont dĂ©gradĂ©s. »

Autrement dit les autoritĂ©s n’ont pas les capacitĂ©s de faire respecter les rĂšgles, mĂȘme en espace naturel classĂ©. Il dĂ©nonce Ă©galement la disparition de savanes, de forĂȘts, qui abritaient autrefois, lions, Ă©lĂ©phants, singes, et buffles, qui ont aujourd’hui disparues au profit de champs cultivĂ©s. Son seul rĂ©el espoir pour l’avenir repose sur la sensibilisation des populations afin que tous comprennent l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral de la prĂ©servations de tels espaces naturels. Il regrette aussi que les arbres soient Ă  prĂ©sent considĂ©rer comme « des ennemis » qu’il faut abattre.

Les populations d’élĂ©phants comme celles d’autres espĂšces animales prĂ©sentes au Togo dĂ©clinent fortement, en cause principale, l’activitĂ© humaine
Photo : Couleurs-afrique.com

EspĂ©rons que Monsieur Lindo – Banla Yaya rĂ©ussira Ă  convertir bien plus de monde Ă  sa mĂ©thode agroĂ©cologique, encore mal comprise par beaucoup de paysans du Togo. En tous les cas, et pour conclure cet article, je fĂ©licite chaudement ce personnage authentique pour son engagement dĂ©terminĂ© dans la prĂ©servation de la planĂšte, et des richesses naturels de ce beau pays Africain.

Les forĂȘts africaines sont un trĂ©sor de biodiversitĂ©, l’engagement de Monsieur Yaya pour leur prĂ©servation est une initiative qu’il faut encourager, mais aussi dĂ©velopper chez nous en occident afin de montrer l’exemple
Photo : Tresordumonde.fr

Pour toutes ces raisons, je pense que les pays occidentaux doivent se montrer exemplaires eux aussi, afin de rendre crédible, aux yeux de ces populations défavorisées, les méthodes de productions responsables, biologiques, et/ou agroécologiques.

VIDEO
Cliquez sur l’image pour dĂ©couvrir l’initiative de forĂȘt Yaya en video
Durée : 4 min 42

Je vous souhaite un agréable week-end, et une bonne rentrée à tous ceux qui reprennent le travail dÚs lundi.

Ben. MASON

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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11 commentaires

    1. Salut Alan, merci pour ton mot,
      C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens en Afrique qui s’impliquent dans la cause environnementale, et ça fait vraiment plaisir.
      J’espĂšre que nous autres occidentaux saurons en prendre exemple, si ils peuvent le faire avec moins de moyens que nous, on a pas d’excuses.
      Chez nous aussi ça bouge, mais nous avons plus de mal Ă  fĂ©dĂ©rer les agriculteurs autour de l’agroĂ©cologie, SĂ»rement car nous sommes plus coincĂ©s dans le productivisme Ă  outrance, et la « logique » de surconsommationđŸ€‘. Il n’y a qu’Ă  voir la mĂšre Pompilli qui revient sur ses promesses de ralentir avec les pesticides, tout ça pour faire plaisir aux producteurs de betterave Ă  sucre.😖
      Je veux bien que l’on soit concilliant avec les agriculteurs, mais lĂ  pour une banale histoire de pucerons il n’y avait pas lieu d’en revenir aux produits chimiques.
      Enfin, comme tu le dis il faut rester optimiste👍.

      Passes un bon week-end
      Ben

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    1. Merci Elienad, effectivement l’exemple est superbe, n’hĂ©sitons donc pas Ă  en parler plus largement autour de nous pour que ce type d’initiatives soient connues. Quelques forĂȘts comestibles voient le jour Ă©galement en France. Bien que le climat s’y prĂȘte certainement moins bien, je pense qu’il y a quand mĂȘme du potentiel et de l’avenir dans ce concept en occident.

      Je vous souhaite un bon week-end
      Benjamin

      J’aime

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