Incroyables Chênes-liège

Chêne-liège dans le maquis varois
Photo : Autonomie Jardin

Cette semaine je souhaite vous présenter une essence que j’affectionne beaucoup, le Chêne-liège. Ce feuillu persistant développe avec l’âge des charpentières impressionnantes, et une épaisse écorce, utilisée notamment pour confectionner les bouchons traditionnels des bouteilles de vin. Pourvu d’une longévité incroyable, cet arbre à tout ce qu’il faut pour inspirer admiration, et respect. Endémique du bassin méditerranéen, cet arbre peut néanmoins être implanté dans de nombreuses régions, et jusqu’à 500 mètres d’altitude, à condition que les hivers y soient relativement doux.

1 – Description botanique, et historique

Le Chêne-liège (Quercus suber L.), est un arbre à feuilles persistantes du genre Quercus (le Chêne), de la famille des Fagacées. Il est exploité pour son écorce qui fournit le liège. Il est parfois appelé le Corcier, le suve, ou encore le Surier.

Cet arbre est d’une grande longévité, il peut vivre aisément 150 à 200 ans, parfois plus de 800 ans et atteindre 20 à 25 m de haut (le plus grand ayant atteint 43 m), mais ne dépasse généralement pas 12 à 15 m, ce qui est déjà très honorable. Il présente un tempérament strictement calcifuge et requiert des températures moyennes annuelles douces (de 12 à 19 °C).

Les feuilles sont petites (de 3 à 5 cm), alternes, coriaces, ovales-oblongues. Elles sont bordées de dents épineuses et cotonneuses sur leur face inférieure, et persistent sur l’arbre pendant deux à trois ans.

Les fleurs jaunâtres s’épanouissent au printemps courant avril-mai, les fleurs mâles, en chatons, et femelles, minuscules, sont séparées sur le même pied.

Feuillage et fruits du chêne-liège
Photo : Sud-jardin-34.fr

Les glands oblongs, enveloppés sur la moitié de leur longueur par les cupules, sont réunis par deux sur des pédoncules courts et renflés.

L’écorce est épaisse, isolante et crevassée, elle peut atteindre 25 cm d’épaisseur.

Originaire de l’ouest du bassin méditerranéen, il a été depuis fort longtemps introduit dans différents pays sud-européens (France, Italie, Grèce…) , et nord-africains (Algérie, Égypte, Tunisie..).

Le liège est connu depuis au moins 5000 ans pour son caractère imputrescible, imperméable, léger, maniable, et résistant. Ce ne sont là que les premières vertus du liège. Il faudra patienter bien des siècles avant que toutes les qualités du liège ne soient découvertes.

Les civilisations antiques de la Chine, de l’Égypte, de Babylone et de la Perse l’utilisaient dans leurs objets du quotidien pour ses nombreuses propriétés déjà clairement identifiées. Ces civilisations ont tout d’abord été impressionnées par les qualités de régénération de l’écorce de liège qui se renouvelle naturellement et aisément dès qu’elle est retirée de l’arbre. Les philosophes, personnages savants de l’époque, font alors l’apologie de cette matière étonnante.

Écorces de chêne-liège
Photo : Corkup.fr

Au 13e siècle, le Portugal édita des lois afin de garantir la conservation des suberaies (forêts de chênes-lièges).

Cette décision ne fut pas un acte écologique ou civique, mais avait un intérêt purement financier. En effet, les navires partant à la conquête du Nouveau Monde étaient équipés de liège au niveau des parties les plus exposées aux intempéries. C’est ainsi que la protection du liège portugais est devenu un enjeu national et économique.

Il est intéressant de noter que cette loi s’applique toujours plus de 800 ans plus tard.

En France c’est à la fin du 18ème siècle que la culture du chêne-liège se développe franchement, bien que l’arbre y fut introduit plusieurs siècles auparavant.

De nos jours, quatre pays, le Portugal, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc représentent 91 % de la suberaie mondiale, qui couvre au total 2 687 millions d’hectares. Les autres pays producteurs sont la France (Corse, Pyrénées-Orientales, Var, et Aquitaine), l’Italie (Sardaigne) et la Tunisie (Kroumirie).

Selon l’Institut méditerranéen du liège, les quelques 2 687 000 hectares de la suberaie mondiale sont répartis sur sept pays :

Afrique du Nord :

Maroc 16,4 %,

Algérie 14 %,

Tunisie 45,3 %.

Europe du Sud :

Portugal 32 %,

Espagne 27 %,

Italie 3,7 %,

France 1,6 % : notamment dans le massif des Maures (Var), les massifs des Albères et des Aspres (Pyrénées-Orientales), le littoral landais (Gironde et Landes), le Lot-et-Garonne (Néracais), et en Corse.

2 – Culture et entretien

Le chêne-liège est un arbre de climat doux qui craint les excès d’humidité. Il pousse sur les sols pauvres et sablonneux, non calcaires. Il est possible de le cultiver sur un sol plus riche mais la qualité de son liège en sera alors diminuée.

Le chêne-liège s’obtient par semis. Il supporte très mal la transplantation. Il est donc nécessaire de planter le chêne dans son emplacement final rapidement après la plantation du gland en godet, en moyenne une année. La terre utilisée lors de la plantation doit tenir aux racines pour que la transplantation se passe bien.

Photo: Autonomie Jardin

C’est une espèce indicatrice d’un terrain acide et d’un milieu aux températures élevées. Sa croissance est lente même au stade juvénile. Le tronc s’épaissit jusqu’à environ 70 cm d’épaisseur au bout de 25 ans. Son écorce liégeuse est alors épaisse de 25 cm. Une première exploitation a lieu et donne le liège mâle, utilisé pour les isolants. Puis environ tous les 10 ans, de nouvelles récoltes de liège sont possibles, sous forme de plaques de 3 cm d’épaisseur d’un liège de meilleure qualité que l’on appelle liège femelle, utilisé pour la confection de bouchons. Ces prélèvements d’écorce sont appelés le démasclage.

3 – Utilisations

De nos jours le liège est encore une matière très largement exploitée. Bien que les bouchons de bouteilles soient de plus en plus en plastoc, cet usage du liège se poursuit néanmoins encore tant bien que mal. En revanche, c’est un matériaux toujours très utilisé notamment dans le domaine de l’isolation thermique.

Voici une liste non exhaustive des possibilités d’utilisation du liège :

  • pêche et accessoires de flottaison,
  • bouchonnage,
  • technologies de pointe,
  • industrie pharmaceutique,
  • aéronautique,
  • automobile,
  • génie civil,
  • hydraulique,
  • mobilier écologique et design,
  • mode et création d’accessoires (maroquinerie, bijou, etc.).
Une suberaie récemment démasclée
Photo : Lemonde.fr

Dans un registre médicinal, le liège possède également quelques vertus intéressantes à souligner. En effet, il était autrefois admis que :

« L’écorce de liège est astringente, propre pour arrêter les hémorragies et le cours de ventre, soit qu’on la prenne à la dose d’un demi gros en substance, ou d’un gros réduit en poudre, soit qu’on la prenne en décoction depuis une demi-once jusqu’à une once dans une pinte d’eau. Le liège brûlé et réduit en cendre impalpable, puis incorporé dans l’huile d’œuf, est un bon remède pour adoucir et réduire les hémorroïdes »

4 – Considérations écologiques

Les suberaies jouent un rôle écologique important, surtout dans leur aire de répartition d’origine. On y trouve des espèces protégées comme le lynx ibérique ou l’aigle impérial, ou encore Boletus mamorensis, un cèpe méditerranéen comestible.

Ces milieux jouent également un rôle dans la régulation du cycle hydrologique, la protection des sols et la séquestration du carbone.

Hors de sa zone géographique d’origine, c’est principalement un arbre de maquis, que l’on rencontre à faible altitude, en association avec du chêne vert, du pin maritime, et du chêne pédonculé. Dans cet environnement au sol acide, ce sont souvent les cistes, les myrtes, et les lavandes des Maures qui viennent pousser à son pied.

Lavandes des Maures au pied d’un vieux chêne-liège
Photo: Autonomie Jardin

L’écorce remarquable du chêne-liège, en plus de réduire les pertes d’eau, est une adaptation aux incendies : la sélection naturelle a favorisé cette espèce car le liège est un excellent isolant et le feu n’atteint pas l’aubier, la partie vivante sous l’écorce. Tandis que les autres essences périssent, de nouvelles branches peuvent repousser rapidement à partir de celui-ci. Cet arbre est donc potentiellement d’un grand intérêt pour lutter contre le problème récurrent des incendies estivaux dans les régions méditerranéennes et leurs conséquences directes et indirectes.

5 – Spécimens intéressants

Ayant la chance de vivre dans une commune littorale où la présence du chêne-liège est indissociable de ses paysages, je voudrais vous présenter quelques spécimens remarquables présents dans le Var.

À La Londe-les-Maures, de nombreux sujets très âgés sont plantés aux abords des vignobles. Les plus majestueux d’entre eux constituent des repères paysagers, tant ils sont monumentaux.

Le massif spécimen du col du pas du cerf approche sans doute des 1000 ans.
Photo : Pinterest.fr

Le plus connu d’entre eux est sans doute celui du col du pas du cerf, qui a sans doute pas loin de 1000 ans au vu de ses dimensions colossales. C’est le plus vieux et le plus grand spécimen connu en France, il atteint 21 mètres de hauteur, et une circonférence de 7,15 mètres mesurés à la base du Tronc.

Le Chêne-liège du col du pas du cerf, à La Londe les Maures en 2011

Il existe également celui affectueusement surnommé le St Martin par les Londais (certains l’appellent le St Georges, à cause d’une indication erronée au sujet de l’appellation du pic situé à proximité) qui lui aussi s’impose clairement dans le paysage. Situé sur le domaine viticole des Bormettes, au pied de la butte du Pic St Martin(et non St Georges), sa croissance en port libre depuis plusieurs siècles lui donne une envergure impressionnante : 31m sur sa plus grande longueur. En hauteur, sa croissance semble s’être stoppée à environ 15 mètres. Sa circonférence de 7,55 mètres mesurés à la base de son tronc laisse penser que cet arbre a plus de 500 ans au compteur, certains prétendent qu’il serait millénaire. « Si les arbres pouvaient parler ! »

Le vénérable spécimen du Domaine des Bormettes à La Londe les Maures
Photo : lestetardsaboricoles.fr

D’autres magnifiques sujets sont disséminés le long de la piste cyclable qui mène à Hyères, notamment celui que j’ai baptisé «  le Barberet » du nom du lieu-dit sur lequel il s’est enraciné depuis plusieurs siècles. Un sacré gabarit !

Sans doute plus jeune que les deux premiers exemples cités, ce sujet dépasse déjà les dix mètres de haut, possède une circonférence imposante, a développé de belles ramifications, et présente une belle vigueur qui laisse présager que cet arbre rejoindra prochainement le club très restreint des arbres les plus vénérables du pays.

Photos du géant du Barberet, l’épaisseur de l’écorce est remarquable
Photos : Autonomie Jardin

Au Rayol-Canadel, dans le splendide Jardin des méditerranées, trône au bord d’un petit cours d’eau un vieux chêne-liège de plus de 300 ans, dont la hauteur est vertigineuse, et les ramifications sont gigantesques. Encore un monument végétal qui vaut le détour si vous visitez le département du Var.

Vieux chêne-liège du Domaine du Rayol
Photo: Autonomie Jardin

Par ailleurs, et pour conclure, si vous avez à proximité de chez vous des monuments végétaux admirables, j’aurais grand plaisir et intérêt à les découvrir. N’hésitez donc pas à m’en faire part.

Je vous souhaite un beau week-end

Ben. MASON

LE DICTON DU JARDINIER :

« à la Saint Grégoire, tailler sa vigne c’est de l’or. »

🍇✂🍇

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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10 commentaires

  1. Comme vous le dites, l’histoire de l’installation du chêne liège en France est probablement millénaire .N’en parlais-t-on pas déjà dans quelques textes grecs comme à Olbia retrouvé à Hyères.?
    Dans tous les cas ils ont une grande utilité dans les incendies autour du littoral méditerranéen en freinant la propagation du feu. Je pense, qu’en ce sens, la forêt des Maures est un peu protégée.
    Merci pour ce bel article. A bientôt.

    Aimé par 2 personnes

  2. Bonjour Ben,
    J’avais fait la connaissance sur un salon d’une entreprise basée au Portugal, qui utilisait le liège à des fins d’isolation et de revêtements muraux. C’était sublime, et cela créait une ambiance très chaleureuse, j’avais adoré cette manière d’utiliser le liège.
    C’est une matière très noble, qui bien mise en valeur devient très graphique, esthétique et aux influences saines pour l’habitat.
    Magnifique arbre pour un excellent article Ben !!!!
    merci
    https://compagnie-portugaise-des-lieges.fr/compagnie-portugaise-des-liegeshttps://compagnie-portugaise-des-lieges.fr/compagnie-portugaise-des-liegesV

    Aimé par 2 personnes

    1. 🙏Merci beaucoup pour tes précisions, et le lien
      Je pense effectivement que c’est une matière qui a beaucoup d’avenir, dans bien des domaines, en plus d’avoir déjà une belle histoire.
      Bonne journée à toi

      Ben

      J’aime

  3. En tant que glandeur, mon ami Pigraï a beaucoup aimé ce post 😉
    J’ai toujours été fasciné par les vertus de ce matériau le liège. J’ai découvert dans ton post que c’est aussi un bon pare feu pour les incendies et aussi que son ecorce se régénère facilement, ce qui est génial. Je suis aussi impressionné par la longévité des arbres que tu as présenté.
    J’aime beaucoup le liège comme matériau et ses vertus ne sont pas assez connues. Sur mon futur bateau, j’envisage de l’utiliser pour la renovation intérieure en remplacement des vraigrages de mon futur voilier car il a , à priori toutes les vertus nécessaires : imputrescible, léger, flottant, isolant phonique et thermique .
    Merci à toi et belle journée!
    Printemps is coming man💪💥

    Aimé par 1 personne

    1. Salut Alan,
      Merci pour ton sympathique message, plein de bonne humeur.
      Bonne idée d’envisager le liège pour ton futur navire, il sera ainsi aussi solide qu’une galère portugaise⛵. En revanche je ne connais pas les prix de ce matériau, tu me fais penser que j’aurai pu me documenter à ce sujet pour compléter l’article.
      Bonne semaine à toi
      Sun is back🌞🌡💪

      Ben

      J’aime

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