Ruth Buendia

La voix du peuple Ashaninka

Ruth Buendia
Photo : Eleconomistaamerica.pe

Pour ce nouvel article consacré à une personnalité marquante de l’écologie, j’aimerais vous partager la découverte de cette femme admirable qu’est Ruth Buendia. Depuis de longues années, elle défend les intérêts de son peuple autochtone, les Ashaninkas. Son engagement exemplaire pour la planète n’est également plus à démontrer, et malgré une faible notoriété au niveau mondial, ses combats et ses causes sont de plus en plus relayés sur la toile. Je souhaite donc moi aussi participer à la mise en lumière de son œuvre écologiste, et humaniste.

1 – Biographie de Ruth Buendia

Ruth Buendia vient au monde en 1977 au Pérou, au sein de la communauté Asháninka, de la province de Satipo. Son enfance fut compliquée, notamment marquée par la guerre civile contre le parti communiste péruvien (le sentier lumineux), lors de laquelle son père sera assassiné.

On en sait peu sur cet épisode, certains prétendent que son père avait décidé de rejoindre le parti communiste et aurait été tué par sa propre communauté, selon d’autre il aurait été la cible de terroristes. Quoi qu’il en soit, cet événement à complètement ébranler l’existence de la petite fille, peu de temps après sa mère et elle furent contrainte de quitter la communauté, et de se réfugier en ville, à Satipo. Ruth n’a alors que 12 ans lorsqu’elle débarque dans la capitale de cette province du pays.

Ruth n’aime pas trop évoquer cette période de sa vie, mais elle confia tout de même lors d’une interview la chose suivante : « Nous avons fui, affamés, dans la forêt. J’ai fini par porter ma mère sur mes épaules pour rejoindre une base militaire. On savait que soit on nous y accueillerait, soit on nous tuerait… »

Photo: Porlatierra.org

Peu d’éléments ont filtrés concernant son adolescence, mais dans une société péruvienne machiste et violente, on imagine que Ruth n’a sans doute pas eu une jeunesse très heureuse. Néanmoins elle s’en sort par de petits boulots, on lui connaît notamment un emploi de serveuse à Satipo dans les années 90. Puis plus tard elle gardera les enfants de familles aisées de Lima, la capitale du pays.

Bref, rien ne prédispose alors la jeune citadine à un engagement écologiste et humaniste, mais c’était sans compter son fort attachement à ses racines ancestrales.

Photo : Capture d’écran Youtube

2 – Causes écologiques, et défense des indigènes

Surmontant un parcours plombé de violence traumatique, Ruth Buendía a uni le peuple Asháninka dans une puissante campagne contre les barrages à grande échelle qui aurait une fois de plus déraciné les communautés autochtones qui se remettaient encore à peine de la guerre civile au Pérou.

C’est en 2003 qu’elle découvre Centrale Ashaninka du Fleuve Ene (C.A.R.E), une organisation indigène, défend les intérêts de 32 communautés vivant le long du Rio Ene. Éducation, alimentation, santé… les tâches de l’ONG sont nombreuses. Parmi elles, l’accompagnement des personnes dans les problèmes  » modernes « .

Guillermo Nacos, un dirigeant Ashaninka très respecté, lui fait découvrir les organisations indigènes. Présentes dans toute l’Amazonie, elles défendent avec plus ou moins de succès les intérêts des communautés. Un combat qu’elle décide dès lors de faire sien. Entrée comme volontaire pour permettre à chaque membre de ces micro sociétés de recevoir une carte d’identité, Ruth Buendia en devient la présidente trois ans plus tard. Malgré le machisme très marqué dans les communautés indigènes, elle sera réélue à maintes reprises.

En 2010, les gouvernements du Brésil et du Pérou ont signé un accord bilatéral sur l’énergie qui appelait à une série de barrages hydroélectriques à grande échelle en Amazonie. En vertu de cet accord, la majeure partie de l’énergie serait exportée vers le Brésil. Peu d’avantages économiques reviendrait aux communautés locales du Pérou, dont les territoires ancestraux seraient inondés pendant la construction.

Ruth Buendia au bord du rio Ene, le fleuve qui l’a vu naître
Photo : Goldmanenvironmentalprize.org

Parmi les indigènes qui vivent sur le chantier proposé du barrage de Pakitzapango le long de la rivière Ene se trouvent les Asháninka, qui ont fait leur maison dans le « sourcil de la jungle » très boisé pratiquant l’agriculture de subsistance, la chasse et la pêche.

L’accord sur l’énergie a été mis en œuvre sans aucune consultation de la communauté Asháninka, en violation directe du traité de l’Organisation internationale du Travail (OIT), que le Pérou a pourtant ratifié en 2006, qui oblige les gouvernements à consulter les communautés autochtones sur tout projet de développement sur leur territoire.

La C.A.R.E, sous l’impulsion de sa cheffe de file, se met alors en mouvement. Devant le refus du gouvernement péruvien de respecter leurs droits, Ruth Buendia finit par aller défendre son peuple devant la Commission Inter Américaine des Droits de l’Homme (CIDH) en 2010. Face à la pression médiatique et populaire, le Pérou et l’entreprise brésilienne Odebrecht font marche arrière, mais le projet n’est que suspendu. Si la menace reste présente, l’épreuve aura été formatrice pour la militante et lui a valu l’obtention du Prix Goldman pour l’environnement en 2014.

Récompensée en 2014 par un lauréat du Prix Goldman pour l’environnement
Photo : Goldmanenvironmentalprize.org

Grâce aux formations qu’elle reçoit au CAAAP (Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique), Ruth ajoute à son talent oratoire remarquable les compétences et connaissances indispensables pour faire valoir les droits de son peuple : droits des indigènes, gestion des ressources, développement, préservation de la culture… tout en veillant malgré tout à ne pas perdre le contact avec les siens.

3 – Citations de Ruth Buendia

Ruth Buendia ne s’exprime pas souvent, mais il existe quelques documents et interviews disponibles sur youtube, toutes en Espagnol. Voici les messages et citations qui m’ont le plus interpellé.

« D’une communauté à l’autre, les Ashaninkas ne sont qu’une seule et grande famille. J’ai des cousins, neveux, amis, partout… »

« Les choses ne changeront pas de mon vivant, mais j’ai espoir pour les prochaines générations. Je ne veux pas qu’elles se disent que nous les avons sacrifiées.»

« Le gouvernement péruvien n’a pas la sensibilité de nous considérer comme des personnes ou citoyens péruviens, c’est le plus gros obstacle. Cette seule bureaucratie dont le gouvernement dispose, fait que le système ne nous comprend pas. »

« C’est notre terre, là où nous vivons, où nous sommes nés, d’où proviennent notre spiritualité, notre culture, et notre langue. »

« Il est temps que le peuple péruvien, que la population de Lima comprenne que les peuples indigènes existent, que c’est une chance d’avoir cette diversité culturelle dans notre pays, il faut que le Pérou nous reconnaisse, ainsi que nos droits. »

Ruth BUENDIA
Photo : Elcomercio.pe

Cette personnalité humaniste m’a beaucoup touché, non seulement par sa force de détermination, mais aussi par la douceur et le pacifisme de son discours.

Ruth s’exprime comme une maman, avec bonté et sait faire preuve d’une belle ouverture d’esprit qui surprend, au vu de ce qu’elle a enduré dans l’existence.

J’espère que cette belle âme a également su vous surprendre, et vous inspirer.

Je vous souhaite un magnifique week-end

Ben. MASON

LE DICTON DU JARDINIER :

« Quand mars bien mouillé sera, beaucoup de fruits tu cueilleras »

🌧🍎🍊🍐🍏🍒🍋🥭🍓🌧

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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12 commentaires

  1. Belle personnalité très émouvante. Il faudrait que beaucoup s’en inspirent.
    J’ai bien aimé votre article et cette femme.
    Je vous souhaite un très bon week end

    Aimé par 2 personnes

  2. Bonjour Ben. Eh oui car je découvre ton article à 1h du mat ;). Comme toi, je suis fasciné par ces personnes. Comme wangari Mattaï au Kenya, cette femme ne lache rien et ce qui est beau est son combat pacifique pour les générations futures. Comme les bâtisseurs de cathédrales qui n’ont pas vu l’édifice terminé, ces personnes vont au delà de leur personne et de leur courte vie. Pourrions nous prendre exemple pour cette transition écologique à accomplir. Nos gestes et actions d’aujourd’hui auront, nous l’espérons un impact dans plusieurs dizaines d’années. Mettons nous au travail dès aujourd’hui.
    Merci Ben pour ce post .
    Alan

    Aimé par 3 personnes

    1. Salut Alan, merci pour ta lecture,
      il est vrai que cette dame est inspirante à plus d’un titre. Son exemple est bien sûr à suivre, malheureusement beaucoup de gens n’acceptent de faire des efforts qu’à condition qu’ils en récoltent les fruits de leur vivant. L’Être humain est souvent très égoïste (après moi le déluge!), et je pense qu’il nous faut apprendre à placer l’intérêt des générations futures au centre de nos actions, et de nos préoccupations primordiales.
      Plus nous serons nombreux à montrer l’exemple, plus les mentalités auront tendance à changer en mieux, j’en suis convaincu.
      Je te souhaite un sympathique dimanche

      Ben

      Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Danielle
      Effectivement la terre dans le sens plus large de « nature », est spirituelle. Je pense que cela vient du fait que la nature est indomptable, on ne peut pas l’enfermer, la contraindre, la stocker, et encore moins l’emporter avec nous lorsque nous finirons nos jours. Elle accompagnait les êtres vivants déjà bien avant nous, et sera encore présente bien après notre mort. C’est cela qui rend la terre indissociable de la spiritualité, elle est un héritage que nous devons nous aussi léguer par la suite. Beaucoup de gens se battent pour s’approprier la terre et ses ressources, se les accaparer, alors que si nous cherchions tous à protéger cet héritage magnifique, nous n’aurions absolument pas besoin de nous battre.
      Qui va entendre le message de Ruth Buendia? Probablement pas grand monde, car lorsqu’on parle nous ne sommes que rarement entendu, cependant, j’ai foi en ses actions, et j’espère que son exemple sera remarqué, et qu’il en inspirera beaucoup.

      Je te souhaite un excellent dimanche
      Ben

      Aimé par 1 personne

      1. Merci Ben de ton message, message de foi plus que d’espoir. Comme toi, je crois en l’harmonie de la nature. Comme toi, je crains qu’elle est irrémédiablement détruite par la bêtise et la cupidité des humains. Mais il faut continuer à la chérir comme si elle était éternelle. Amitiés, Danielle

        Aimé par 2 personnes

  3. Et coucou ben,
    Mais la nature est éternelle, et nous nous oublions que nous ne sommes que de pauvres mortels…
    Bravo pour ton portrait Ben, il est riche, enthousiasmant et plein de toi … passionné 😉
    J’aime beaucoup cette séquence dans ton blog, car tu me fais toujours découvrir des personnalités importantes aux 4 coins du monde ! Tu enrichis ma culture et au passage tu nous sensibilises efficacement et toujours avec beaucoup de bienveillance.
    J’espère que tu vas bien Ben, et je t’embrasse fort 😚🌱🌿🍀🌹🌺🌞
    Corinne

    Aimé par 1 personne

    1. Salut chère Corinne,
      🙏Merci pour ton aimable appréciation et ta lecture, je suis heureux que tu ais aimé ce portrait que j’ai eu un immense plaisir à rédiger. Comme tu le dis, la personnalité de Ruth est enthousiasmante, et j’ajouterais même inspirante de par son pacifisme à toute épreuve.

      J’espère que ta famille et toi êtes en pleine forme, que le moral est bon, et que le retour des beaux jours vous apporte bien-être, joie de vivre, espoir, et optimisme.🌤☀🤩
      Je t’embrasse moi aussi bien fort, et te souhaite une belle semaine.

      Ben

      Aimé par 1 personne

      1. Merci ben,
        j’étais dans mon jardin entrain de redonner des couleurs au potager… j’ai du boulot !!!
        je vais y aller par étapes, sinon je vais m’épuiser🤣
        Cette année il y’aura 90% de pieds de tomates, un peu de chou Kale et des potimarrons, ah oui j’oubliais les piments, le basilic !!!
        il me reste de la sauge, la bourrache, des betteraves de l’année dernière, et même une courgette qui a muté en calebasse !!
        Des bisous
        P.S: je n’ai pas de solution pour l’arrosage, c’est mon gros problème, l’année dernière j’ai arrosé à l’arrosoir avec l’aide d’un voisin qui me remplissait une grosse cuve tous les jours …

        Aimé par 1 personne

      2. 👍Bien joué SuperPaquerite! 💪
        Tu appliques là l’un des principes phares de la permaculture, Observer, et démarrer doucement, par étape, et à petite échelle.
        Penses cependant à implanter des vivaces telles que menthes, romarins, sauges, lavandes, thyms, mais aussi fruitiers divers (qui reviennent chaque année). Tu peux aussi miser sur des plantes annuelles qui se ressèment spontanément d’année en année (comme dracocephalum -lien ici: https://autonomiejardin.com/2020/12/11/plante-medicinale-dracocephalum-moldavicum/ – ou œillets d’inde par exemple).
        Ce sera aussi une belle façon de diversifier tes cultures, tout en favorisant une belle biodiversité ainsi que la présence de nombreux pollinisateurs.

        L’arrosage est toujours un casse-tête lorsque l’on a pas de source ou arrivée d’eau courante pour irriguer les cultures, surtout au plus fort de l’été. Heureusement que ton voisin t’aide un peu. Cependant, il existe des solutions pour limiter les arrosages, notamment avec un épais paillage, la mise en place de oyas ( https://autonomiejardin.com/2019/09/28/arrosage-econome-les-oyas/ ), mais tu peux également penser à installer des cuves de récupération d’eau de pluie (qui est la meilleure eau pour l’arrosage). Il existe aujourd’hui des cuves qui ne coutent pas bien cher mais qui peuvent faire office plusieurs années.

        N »hésites pas à me contacter si tu souhaites plus de précisions.
        Je te souhaite une belle soirée

        Ben

        Aimé par 1 personne

      3. J’ai encore des restes de mon potager de l’an dernier, et puis j’avais récolté de nombreuses graines à la fin de l’été et dans l’automne 😉
        Du coup je vais faire de nouvelles expériences. C’est ce que j’aime le plus dans le potager, expérimenter …je m’amuse beaucoup !!!!
        Ce week-end on regarde si on peut faire fonctionner le puit déjà existant qui semble être en rade.
        je suis tellement contente de reprendre cette activité, l’année dernière cela m’avait aidé à supporter le premier confinement. J’ai su apprécier la chance d’avoir un jardin…
        je t’embrasse fort et je n’hésiterai pas à revenir vers toi pour toutes questions !!!
        Corinne

        J’aime

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