PHYLLIS OMIDO

Une militante déterminée

Photo: Cowrynews.com

Voilà une mère qui ne lâche rien ! Phyllis Omido, peu connue du grand public occidental, est une militante kényane de défense de l’environnement dotée d’une détermination sans faille dont seule une maman énervée détient le secret. Son parcours personnel l’a conduit directement à son combat écologique contre la pollution au plomb des airs et des eaux de son pays. C’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui cette forte personnalité verte qui est devenue une des icônes de l’écologie africaine.

1 – Biographie de Phyllis Omido

Phyllis est originaire du Kenya, pays dans lequel elle est née en 1978. Elle y est élevée avec sa sœur et ses deux frères. Dans la région de Vihiga elle grandit au village de Kidinye, la vie n’est pas simple, et les perspectives d’avenir sont peu nombreuses. Elle aura cependant la chance d’intégrer l’Université de Nairobi, ou elle terminera ses études et sera diplômée en gestion d’entreprise.

Elle est à ce jour mère célibataire d’un petit garçon prénommé Kingdavid Jeremiah Indiats.

Photo: BBC.co.uk

Phyllis travaillera dans le domaine administratif de plusieurs industries. C’est en 2007 que son destin va basculer alors qu’elle est engagée comme cadre des ressources humaines pour Kenya Metal Refineries, une usine extrayant du plomb à partir de batteries de voitures d’occasion, et qui démarre ses activités cette année là dans Owino Uhuru, un bidonville près de Mombasa.

Phyllis Omido contribue en 2009, avec un expert de l’Autorité nationale de la gestion de l’Environnement (Nema), à une étude d’impact environnemental (EIE), non effectuée lors de l’implantation initiale de l’usine. La conclusion de cette étude recommande que la fonderie ferme, mais cette conclusion est rejetée en bloc par la direction.

Photo : Goldmanprize.org

2 – Le combat déterminé d’une mère

Peu de temps après cette étude, en 2010, le bébé de Phyllis Omido tombe malade. À l’hôpital, le personnel soignant pense tout d’abord que c’est la fièvre typhoïde ou le paludisme, mais décèle finalement un empoisonnement au plomb. Elle suspecte un lien avec l’activité de l’usine. Elle choisit trois enfants, au hasard, et obtient des analyses de sang. Ces analyses mettent en avant des niveaux de plomb au-dessus des normes de sécurité établies par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies. Phyllis se rend compte que son propre lait maternel rend son bébé malade, et que toutes les mères qui vivent dans les environs de l’usine ainsi que leurs enfants sont également exposés. elle va donc encourager la communauté de Mombasa à dénoncer les effets néfastes des déchets toxiques produits ou exploités par l’industrie, responsable de la mortalité infantile dans les zones périphériques. Elle commence alors une campagne pour la fermeture de l’usine, et fonde une organisation, le Centre for Justice, Governance and Environmental Action (CJGEA).

Photo: Crd.org

3 – Une victoire dans la souffrance

Sa détermination incroyable finira par payer, mais le combat n’a pas été de tout repos pour la jeune Phyllis. De plus, les factures médicales de son fils sont rapidement grimpées à plus de 2 000 $, un montant insurmontable pour elle. Elle a exigé que l’usine paie les frais d’hospitalisation. L’entreprise a fini par payer ces factures en échange de son silence, mais Phyllis s’est sentie responsable envers la communauté.

Phyllis a par ailleurs dû quitter son emploi et a commencé à nettoyer les maisons pour joindre les deux bouts et soutenir sa quête pour rendre justice aux travailleurs et aux familles touchés par la fonderie.

Elle et son fils seront victimes de menaces et d’agressions en représailles de son engagement à stopper les activités de cette usine. En 2012 un groupe d’hommes armés s’en prend à elle et son fils devant chez elle. Elle réchappe de justesse au pire puis se cache durant plusieurs mois tant elle est terrorisée.

Face au silence des autorités qui semblent donner leur consentement aux activités de l’usine malgré que la santé des populations riveraines est prise en otage, elle initie des manifestations. C’est alors qu’elle sera arrêtée et emprisonnée pour « incitation à la violence et au rassemblement illégal ». In fine le juge l’innocente et conclut que son action est conforme à la loi.

La noblesse de son combat amène beaucoup d’organisations à la soutenir ainsi que des rencontres de haut niveau avec le Rapporteur spécial de l’ONU sur les déchets toxiques. La tournure de la situation oblige le sénat kényan à mener une évaluation de l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise. L’usine est finalement sommée de fermer définitivement en 2014.

Photo : Geographical.co.uk

Malgré ces revers, Mme Omido s’est battue pendant plus de dix ans pour que l’affaire soit portée devant les tribunaux et qu’une décision soit prise en faveur de la communauté empoisonnée.

En 2020, par décision de justice, un montant de 12 millions de dollars est censé être payé conjointement par les agences gouvernementales qui ont été jugées négligentes ainsi que par les directeurs de l’entreprise, Kenya Metal Refineries.

Le juge a également ordonné au gouvernement de nettoyer Owino Uhuru dans un délai de quatre mois, en précisant que l’inaction entraînerait une amende.

Phyllis Omido affirme que « l’argent ne peut même pas compenser » ce que la communauté de 3 000 personnes a vécu. Néanmoins, les fonds peuvent être utilisés pour le traitement et les médicaments.

4 – De belles réussites et une vocation

Après ce bras de fer qu’elle remporte, elle s’engage de manière acharnée pour la cause environnementale. Grâce à son lobbying, elle obtient la relocalisation de trois fonderies de déchets toxiques dans des quartiers pauvres et urbains dans d’autres parties de la ville de Mombasa.

Elle obtient aussi l’aide de Human Rights Watch et d’autres groupes. Elle rencontre le rapporteur spécial des Nations unies sur les déchets toxiques. Cela pousse le sénat kenyan à faire évaluer l’impact environnemental de l’activité.

Depuis, elle participe à différentes conférences environnementales et continue le lobbying sur le gouvernement. Elle est surnommée « la Erin Brockovich de l’Afrique de l’Est ».

Photo: Citizentv.co.ke
Photo: Goldmanprize.org

En 2015, elle fait partie des 6 personnes à décrocher le Prix Goldman pour l’environnement, décerné aux défenseurs de l’environnement dans le monde. En 2020, elle est aussi classée parmi les 100 BBC Women.

J’espère que cette incroyable personnalité vous aura touché et étonné autant que moi. Pour en savoir plus sur ses actions, et l’aider si le cœur vous en dit, je vous invite à consulter son site internet (ici).

Très beau week-end à tous.

Ben. MASON

LE DICTON DU JARDINIER :

« Octobre emmitouflé annonce décembre ensoleillé. »

❄🌞❄

Publié par Ben. Mason

Jardinier autonome, spécialisé en éco-jardinage, et en permaculture.

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15 commentaires

  1. Merci Ben, pour cet article éclairant sur le courage et la détermination d’une mère face aux industries polluantes. Effectivement Phyllis Omido me rappelle un peu le parcours d’Erin Brockovich. Comme quoi, le combat est loin d’être terminé où que l’on vive sur cette planète.
    Un combat que je trouve à la fois terrible et extraordinaire. La volonté de P. Omido qui oeuvre sans relâche malgré toute la pression et l’intimidation dont elle est victime est un exemple.
    Une grande dame à la force peu commune.
    Merci Ben. ❤

    Aimé par 2 personnes

    1. 🙏Merci pour ton mot Laurence,
      Effectivement le combat est loin d’être fini, les industries qui déversent des saloperies dans l’environnement ne manque malheureusement pas. La France, et les autres pays occidentaux ne sont pas toujours très regardants non plus sur ce que rejettent certaines industries. Pourvu qu’une prise de conscience collective et une forte mobilisation contre ces pratiques permettent à l’avenir d’aboutir à un réel respect de l’environnement, mais aussi de l’humain. Phyllis est un bel exemple pour chacun d’entre nous.👍
      Je te souhaite un beau week-end

      Ben

      Aimé par 1 personne

  2. Saluto Ben!
    J’aime beaucoup tes posts sur les personnalités. Phyllis est une pure descendante de Vangari Mattaï. Toutes deux kenyannes, formées à Nairobi, avec un tempérament puissant. Je suis vraiment impressionné par la volonté et la résistance de ces femmes. Tu as raison de mettre en avant ce genre de personnes pour que la nouvelle génération puisse s’accrocher à des repères et à son tour prenne exemple et ne lache rien. Il faut reprendre en main notre destin.
    Merci Ben
    Alan

    Aimé par 1 personne

    1. 🙏Merci pour ta visite,
      Je suis ravi que cette série sur les belles personnalités plaise. Comme tu le soulignes Phyllis est dans la même veine que Wangari. Je suis moi aussi dans l’admiration face au courage et à la détermination dont peuvent faire preuve ces deux femmes. J’espère que leurs combats serviront d’exemple et motiveront les prochaines générations à prendre soin de la planète.👍
      à bientôt

      Ben

      J’aime

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